La Danse Des Valeurs: Sergueï Eisenstein Et Le Capital de Marx

Le Capital de Sergue Eisenstein (1927-1928) est un fant me plus d'un titre: bien que le film n'ait jamais t r alis , il a n anmoins hant l'imagination de nombreux cin astes, historiens et crivains jusqu' aujourd'hui et m me r cemment avec les Nouvelles de l'Antiquit id ologique: Marx - Eisenstein - Le Capital d'Alexander Kluge. De plus, sa premi re mat rialisation publique - un fragment d'une dizaine de pages issu des carnets du r alisateur - tait marqu e par ce qui demeurait absent: les images et le mat riau de travail d'Eisenstein.

La Danse des valeurs ambitionne d'invoquer nouveaux frais le fant me du Capital mais en se fondant cette fois-ci sur l'ensemble de son corps d'archives. Cette « instruction visuelle la m thode dialectique , selon les mots-m mes d'Eisenstein, comprend plus de 500 pages de notes, de dessins, de coupures de presse, de diagrammes d'expression, de plans d'articles, de n gatifs d'Octobre, de r flexions th oriques et de longues citations. La Danse des valeurs explore la n cessit formelle qui sous-tend les choix d'Eisenstein dans le Capital. Sa lecture fait valoir que sa complexit visuelle ainsi que son efficacit pist mique r sident pr cis ment dans l' tat de son mat riau: une danse de th mes h t rog nes et de fragments disparates, un flux non-lin aire, provisoire et inarticul .

Les s quences visuelles d'archives, publi es ici pour la premi re fois en France, ne sont pas b ties titre de simples illustrations, mais en tant qu'arguments part enti re, donnant voir ce qui se joue pour Eisenstein dans le Capital: une th orisation visuelle de la valeur. Une lecture des archives d'Eisenstein, dans leur logique interne, permet non seulement de reconstituer des l ments morphologiques pr sents dans le concept de valeur chez Marx, mais galement de th oriser une crise plus fondamentale de la repr sentation politique, un pr sent qui s' tend de son contexte contemporain jusqu' nos jours. Mettant en oeuvre un proc d morphologique sans quivoque, les s quences de montage d'Eisenstein produisent une sorte de plus-value qui leur est propre, un exc s s miotique qui brasse les mat riaux et pr sente les corps dans une danse analogue la « danse des « conditions p trifi es de Marx. C'est dans ce langage polymorphe et « diffus - associ au stream of consciousness de l'Ulysse de Joyce - qu'Eisenstein per oit le potentiel critique et affectif d'un cin ma venir.